2017-01-01 La sortie de l'Euro expliquée aux collégiens
Penchons nous un instant sur ce pays francophone
situé entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud
et où une élection majeure se tiendra en 2017.
Cettains politiciens populistes (situés aux deux extrêmes)
prônent un remède-miracle (si on les écoute) :
l'abandon de l'euro.
Et donc le retour à une monnaie nationale.
Examinons cette éventualité en économiste.
C'est-à-dire qu'au lieu d'exciter les émotions primaires (colère, peur)
comme le font les politiciens,
procédons froidement à un examen clinique, en pur économiste.
Quelle est la situation ?
(1) Ce pays est très endetté :
sa dette publique est actuellement de l'ordre de 100% du PIB (Produit Intérieur Brut).
(2) Cette dette ne cesse d'augmenter, puisque le budget de cet État est chroniquement déficitaire...
(3) La plus grande partie de cette dette est libellé en euros.
Et c'est cette partie de la dette - libellée en euros - qui continue d'augmenter actuellement.
(4) Le fardeau du déficit public chronique de cet État est considérablement allégé par l'action actuelle de la BCE (Banque Centrale Européenne) :
l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) a pour effet de faire baisser les taux auxquels se financent les États de la zone Euro.
Voir en fin d'article les explications sur la politique monétaire.
Pour prendre un exemple précis, le pays dont nous parlons s'est financé en 2016 à un taux moyen extrêmement bas, proche de 0% pour les obligations d'État à maturité de 10 ans.
Quant à l'Allemagne, pendant une partie de l'année 2016, elle s'est financé à des taux négatifs (!) pour une maturité de 10 ans.
L'obligation de l'État allemand à dix ans est LA référence, on l'appelle familièrement le Bund (abréviation de Bundesanleihe).
Grâce à l'action de la BCR, d'autres États de la zone euro - Italie, Espagne, Portugal - se sont financés à des taux très raisonnables (compte tenu de leur situation économique), avec pour chaque État une situation particulière qu'on repère par son spread (écart en anglais), mais écart de quoi avec quoi ?
Écart de taux de l'obligation à 10 ans [de l'État considéré] avec le taux du Bund au même instant.
Ce spread s'exprime en "points de base", c'est-à-dire en centièmes de pourcent. Le point de base est une unité plus fine, très commode pour les spreads.
Par exemple, si le spread est de 1%,
on dit qu'il est de 100 points de base.
(C'est exactement la même chose avec les mètres et les centimètres :
pour mentionner la taille de cerrtains objets vous allez préférer parler en centimètres plutôt qu'en mètres : par commodité).
Prenons des exemples.
Le 30/12/2016, pendant le dernier jour de cotation de l'année 2016,
le taux du Bund a fluctué entre 0.17% et 0.21%,
et a clôturé à 0.207 %.
C'est très bas pour une obligation d'État à 10 ans.
Mais en 2016, le taux du Bund est même descendu jusqu'à -0.19% (oui, une valeur négative, dans ce cas c'est l'investisseur qui paye l'État allemand pour continuer à détenir son obligation. La signature de l'Allemagne est jugée très sûre).
Le même jour (30/12/2016), le taux de l'obligation d'État italienne à 10 ans a varié entre 1,794% et 1,840 % pour clôturer à 1,822 %.
Dans ce contexte, pour l'obligation d'État italienne à 10%, le spread en clôture du 30/12/2016 s'est établi à 1,822 - 0,207 = 1,615 soit
161,5 points de base.
C'est beaucoup ?
Oui, c'est beaucoup. Cet écart de taux entre l'Italie et l'Allemagne incorpore beaucoup d'éléments qui interviennent dans la capacité d'un État à rembourser sa dette.
Listons quelques uns de ces éléments (classés non pas importance, mais plutôt selon la longueur du développement):
- La stabilité politique (un pays comme l'Italie contient des mouvements populistes qui prétendent vouloir sortir de l'Euro, sans en mesurer les conséquences, nous y viendrons plus loin).
- La situation budgétaire : déficit, équilibre ou excédent.
Un État - même avec un budget à l'équilibre voire excédentaire (comme en Allemagne) doit emprunter pour refinancer les anciennes dettes qui arrivent à échéance.
Mais quand un État est chroniquement déficitaire, sa dette augmente et il doit mprunter de plus en plus, d'une pari pour financer le budget de l'année, et d'autre part pour refinancer les dettes antérieures qui arrivent à échéance et qu'il ne peut pas rembourser.
- La prospérité économique : des entreprises prospères et des citoyens prospères ont la capacité de payer l'impôt, et donc d'aider l'État à rembourser sa dette.
- La capacité à collecter l'impôt : un État qui n'arrive pas à collecter l'impôt se trouve confronté à un problème supplémentaire, très difficile à résoudre parce ce type de problème résultent d'habitudes solidement ancrées dans le comportement des entreprises et de la population.
Un exemple : l'État grec. Cette difficulté à lever l'impôt n'est pas le seul problème de la Grèce, mais c'est un grave problème.
- La capacité à réformer : dans une économie mondialisée - votre smartphone n'est fabriqué en Europe -, chaque pays se spécialise dans certains produits et services mais il y a une concurrence entre pays qui fabrique les mêmes produits ou les mêmes composants de produits.
Les fruits et légumes d'Espagne sont exportés dans d'autres pays d'Europe, et certains de ces pays produisent parfois le même type de fruits ou de légumes mais à un prix supérieur. Ici comme pour beaucoup d'autres produits, la cause principale n'est pas la différence d'ensoleillement, c'est le coût de la main-d'oeuvre.
C'est pour cette raison que les vêtements, les smartphones etc. sont fabriqués dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre.
Alors, est-ce que réformer, c'est baisser le salaire horaire ?
Non, pas forcément. Par contre, rendre le marché du travail plus fluide, en facilitant l'embauche et le licenciement, cela aide les entreprises à faire face à des fluectuations de commande, à la hausse (embauche) comme à la baisse (licenciement).
Ouvrir un marché à la concurrence, c'est aussi une réforme utile.
Si vous autorisez les transports interurbains en autocar, vous allez booster un mode de transport économique et des gens qui jusque là voyageaient rarement (parce que le train est cher) vont pouvoir voyager.
Et pourquoi donc les transports interurbains en autocar étaient pratiquement inexistant (sauf à l'international) : pour ne pas faire de concurrence à la compagnie nationale ferroviaire, qui avait* le monopole du transport par rail. (*Imparfait, parce que l'Union européenne a imposé la fin - progressive - des monopoles de transport ferroviaire).
Voilà une réforme qui ne coûte pas grand-chose (en première approche) à l'État et qui peut créer de la valeur. En seconde approche, la compagnie nationale ferroviaire peut se retrouver avec un déficit accru, ce qui amène l'État à lui fournir une aide financière.
Mais bon, mettre les différents types de transport en concurrence, c'est a priori une bonne politique : chaque acteur doit être compétitif - en matière de prix et en matière de gestion de son entreprise.
Quand une entreprise est en situation de monopole public (c'est-à-dire organisé légalement), ses agents peuvent faire grève à tout moment en bloquant la vie économique du pays et peuvent donc, grâce au monopole légalisé, obtenir des avantages élevés.
La régulation de la concurrence a pour but de mettre dans les mêmes conditions tous les acteurs d'un même secteur.
Exemples à creuser : les transports, l'énergie, les taxis, les notaires, ...
Reprenons le fil principal : après avoir présenté le contexte, réfléchissons maintent à ce qui va se passer si un pays sort de la zone Euro.
Action envisagée et prônée par certains politiciens populistes (aux deux extrêmes de l'horizon politique) : sortir leur pays de la zone euro, et taxer les produits étrangers pour favoriser les produits nationaux.
Dans un pareil scénario, quelles seraient les conséquances prévisibles d'une sortie de la zone Euro et d'un retour à une monnaie nationale ?
(1) La plus grande partie de la dette du pays concerné est libellée en euros.
Sortir de la zone euro n'y change rien dans l'immédiat.
Au bout de deux ou trois décennies, oui, la situation aura évolué.
Malheureusement, des catastrophes seront survenues avant, comme nous allons le voir.
(2) La sortie de la zone Euro va immédiatement entraîner une grande défiance des investisseurs vis à vis de la dette du pays concerné.
Très vite, lors du retour à une monnaie nationale et dans les mois qui suivront, cette monnaie se retrouvera sous pression et la Banque centrale du pays concerné n'aura d'autre choix que de dévaluer sa monnaie.
Cette dévaluation forcée aura de multiples impacts :
- La dette - pour une grande part libellée en euros - va exploser mécaniquement, du fait de la dévaluation de la monnaie nationale !
- Un appauvrissement des citoyens de ce pays, parce que leur patrimoine financier sera essentiellement en monnaie nationale. Les biens immobiliers de ce pays seront plus facilement acquis par des étrangers qui verront le prix de ces biens baisser dans leur monnaie à eux. - une inflation importée. Parce que les vêtements, les smartphones et ordinateurs fabriqués dans les pays à faible coût de main-d'oeuvre coûteront plus cher, du fait de la dévaluation.
Le pétrole, matière première se négociant en dollars (USD) coûtera plus cher, du fait de la dévaluation. D'où renchérissement du carburant, des factures de chauffage et d'électricité, donc...
- Augmentation du coût de production pour les entreprises de biens et services implantées sur le sol national.
Dans le cas des entreprises exportatrices - les seules à bénéficier potentiellement d'une dévaluation -, le "bienfait" de la dévaluation sera donc diminué par l'augmentation des coûts de production.
Développement : en cas de dévaluation, l'inflation importée est un phénomène mécanique qui ne peut être combattu qu'à long terme.
En effet, penser qu'on va remplacer les produits importés par des produits fabriqué sur place est une totale illusion.
Vous n'allez pas créer en Europe des usines compétitives pour fabriquer des vêtements, des chaussures, des smartphones, des ordinateurs.
Vous allez continuer à les importer et du fait de la dévaluation de la monnaie nationale, votre pouvoir d'achat se réduira comme peau de chagrin. Mais pour l'État, le mécanisme est tout aussi impitoyable :
l'État devra rembourser une dette principalement libellée en euros dont le montant, exprimé en monnaie nationale, aura explosé.
Et comme le pays se sera appauvri (sauf les entreprises exportatrices), l'État récoltera moins d'impôt et ne parviendra pas à équilibrer son budget, sauf en sabrant les dépenses sociales.
Dans un pareil scénario (sortie de la zone euro), le plus vraisemblable serait que le pays fasse défaut sur sa dette à moyenne échéance (trois, quatre ou cinq ans).
Voulez-vous avoir une idée de ce que subit un pays qui fait défaut sur sa dette ?
Renseignez-vous sur le cas de l'Argentine qui a fait défaut en décembre 2001 et n'est toujours pas sortie de la grave crise économique et sociale où elle a plongé.
Certes l'Argentine - via Kirchner - a fini par conclure un avec la plupart de ses créanciers, mais pas tous...
Il reste les fonds "vautours" détenteurs de 7% de sa dette.
Ces fonds vautours ont acheté à bas prix la dette argentine et entendent bien se faire rembourser, avec l'aide de la justice américaine (États-Unis) qui a condamné l'État argentin à plusieurs reprises.
Quant à la situtation d'une grande partie de la population argentine, elle reste dramatique.
NOTE
Explications (simplifiées, le mécanisme réel est un peu complexe)
sur les effets de la politique monétaire d'assouplissement quantitatif.
Le 22 janvier 2015, la BCE a décidé de pratiquer une politique monétaire d'assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE).
Cette politique monétaire consiste en l'achat massif - par la BCE - de titres de dette du marché secondaire (c'est-à-dire des obligations déjà émises, tandis que le marché primaire est le marché des émissions de dettes).
Ce programme, prévu jusqu'en septembre 2016, a permis d'abaisser drastiquement les taux auxquels se financent les États de la zone euro sur le marché primaire.
Certes c'est sur le marché secondaire que la BCE achète des titres de dette.
Mais de façon générale, il y a une demande pour les titres de dette et notamment pour les obligations d'État : les États des pays développées font rarement défaut sur leur dette, et une obligation rapporte un certain coupon annuel, fixé - lors de son émission - en fonction de l'offre et de la demande.
Traditionnellement, ce sont les grands investisseurs (banques, assurances, fonds de pension, fonds communs de placement) qui achètent des titres de dette : voilà la demande traditionnelle.
Le coupon annuel d'une obligation est fixé, mais pas son cours.
Que se passe-t-il quand la BCE déboule sur le marché de la dette ?
L'achat massif de titres de dettes par la BCE, c'est un accroissement - massif - de la demande (sur le marché secondaire) : cet accroissement massif de la demande assèche le marché de la dette er donc fait monter les prix des obligations :
ce qui est rare est cher.
Or le taux des obligations varie en sens inverse de leur cours.
Donc la hausse du cours des obligations entraîne une baisse de leur taux (voir ci-dessous pourquoi***) et par contagion immédiate, entraîne une baisse des taux sur le marché primaire (le marché de l'émission de la dette) :
voilà comment les États de la zone Euro financent actuellement leur dette à des taux ridiculement bas par rapport à leur situation budgétaire réelle, notamment pour les pays en difficulté.
***Pourquoi le taux des obligations varie en sens inverse de leur cours ?
Nous allons prendre un exemple avec des chiffres très éloignés des chiffes actuels mais qui permettent de faire facilement du calcul mental.
Supposons que la Banque centrale rachète massivement des obligations d'État d'une maturité de 10 ans, d'une valeur initiale de 1000 € et d'un taux initial de 4%. Autrement dit, le coupon annuel est de 40 €, ce montant a été fixé lors de l'émission de cette obligation.
L'achat massif et régulier d'obligations par la Banque centrale fait monter le cours de cette obligation à 1250 €. Mais le coupon annuel est toujours de 50 €, donc dans ce contexte, le rendement passe à 50/1250 = 4%.
Ici c'est facile à vérifier, allons-y pas à pas :
1250 = 100 x 12,5 = 50 x 25 = 50 x (100/4)
Donc 1250/50 = 100/4 et donc 50/1250 = 4/100.
Il ne s'agit pas là d'une démonstration, mais d'un exemple pédagogique.
Ce que vous avez vérifié sur cet exemple (fictif), c'est un enchaînement mécanique :
quand le numérateur est constant (le montant du coupon) et que vous augmentez le dénominateur (le prix de l'obligation), vous baissez le rendement de l'obligation et donc vous baissez le taux auquel doit se financer l'émetteur de l'obligation, ici un État.
Résumé du mécanisme : le coupon annuel d'une obligation étant fixe, quand le cours de l'obligation augmente, le rendement de l'obligation diminue. Fin de la parenthèse sur l'assouplissement quantitatif de la BCE.
--- FIN ---
La sortie de l'Euro expliquée aux collégiens
Penchons nous un instant sur ce pays francophone
situé entre l'Europe du Nord et l'Europe du Sud
et où une élection majeure se tiendra en 2017.
y prônent l'abandon de l'euro.
Et donc le retour à une monnais nationale.
Examinons cette éventualité en économiste.
C'est-à-dire qu'au lieu d'exciter les émotions primaires (colère, peur) comme le font les politiciens,
procédons froidement à un examen clinique, en pur économiste.
Quelle est la situation ?
(1) Ce pays est très endetté :
sa dette publique est actuellement de l'ordre de 100% du PIB (Produit Intérieur Brut).
(2) Cette dette ne cesse d'augmenter, puisque le budget de cet État est chroniquement déficitaire...
(3) La plus grande partie de cette dette est libellé en euros.
Et c'est cette partie de la dette - libellée en euros - qui continue d'augmenter actuellement.
(4) Le fardeau du déficit public chronique de cet État est considérablement allégé par l'action actuelle de la BCE (Banque Centrale Européenne) :
l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) a pour effet de faire baisser les taux auxquels se financent les États de la zone Euro.
Voir en fin d'article les explications sur la politique monétaire.
Pour prendre un exemple précis, le pays dont nous parlons s'est financé en 2016 à un taux moyen extrêmement bas, proche de 0% pour les obligations d'État à maturité de 10 ans.
Quant à l'Allemagne, pendant une partie de l'année 2016, elle s'est financé à des taux négatifs (!) pour une maturité de 10 ans.
L'obligation de l'État allemand à dix ans est LA référence, on l'appelle familièrement le Bund (abréviation de Bundesanleihe).
Grâce à l'action de la BCR, d'autres États de la zone euro - Italie, Espagne, Portugal - se sont financés à des taux très raisonnables (compte tenu de leur situation économique), avec pour chaque État une situation particulière qu'on repère par son spread (écart en anglais), mais écart de quoi avec quoi ?
Écart de taux de l'obligation à 10 ans [de l'État considéré] avec le taux du Bund au même instant.
Ce spread s'exprime en "points de base", c'est-à-dire en centièmes de pourcent. Le point de base est une unité plus fine, très commode pour les spreads.
Par exemple, si le spread est de 1%,
on dit qu'il est de 100 points de base.
(C'est exactement la même chose avec les mètres et les centimètres :
pour mentionner la taille de cerrtains objets vous allez préférer parler en centimètres plutôt qu'en mètres : par commodité).
Prenons des exemples.
Le 30/12/2016, pendant le dernier jour de cotation de l'année 2016,
le taux du Bund a fluctué entre 0.17% et 0.21%,
et a clôturé à 0.207 %.
C'est très bas pour une obligation d'État à 10 ans.
Mais en 2016, le taux du Bund est même descendu jusqu'à -0.19% (oui, une valeur négative, dans ce cas c'est l'investisseur qui paye l'État allemand pour continuer à détenir son obligation. La signature de l'Allemagne est jugée très sûre).
Le même jour (30/12/2016), le taux de l'obligation d'État italienne à 10 ans a varié entre 1,794% et 1,840 % pour clôturer à 1,822 %.
Dans ce contexte, pour l'obligation d'État italienne à 10%, le spread en clôture du 30/12/2016 s'est établi à 1,822 - 0,207 = 1,615 soit
161,5 points de base.
C'est beaucoup ?
Oui, c'est beaucoup. Cet écart de taux entre l'Italie et l'Allemagne incorpore beaucoup d'éléments qui interviennent dans la capacité d'un État à rembourser sa dette.
Listons quelques uns de ces éléments (classés non pas importance, mais plutôt selon la longueur du développement):
- La stabilité politique (un pays comme l'Italie contient des mouvements populistes qui prétendent vouloir sortir de l'Euro, sans en mesurer les conséquences, nous y viendrons plus loin).
- La situation budgétaire : déficit, équilibre ou excédent.
Un État - même avec un budget à l'équilibre voire excédentaire (comme en Allemagne) doit emprunter pour refinancer les anciennes dettes qui arrivent à échéance.
Mais quand un État est chroniquement déficitaire, sa dette augmente et il doit mprunter de plus en plus, d'une pari pour financer le budget de l'année, et d'autre part pour refinancer les dettes antérieures qui arrivent à échéance et qu'il ne peut pas rembourser.
- La prospérité économique : des entreprises prospères et des citoyens prospères ont la capacité de payer l'impôt, et donc d'aider l'État à rembourser sa dette.
- La capacité à collecter l'impôt : un État qui n'arrive pas à collecter l'impôt se trouve confronté à un problème supplémentaire, très difficile à résoudre parce ce type de problème résultent d'habitudes solidement ancrées dans le comportement des entreprises et de la population.
Un exemple : l'État grec. Cette difficulté à lever l'impôt n'est pas le seul problème de la Grèce, mais c'est un grave problème.
- La capacité à réformer : dans une économie mondialisée - votre smartphone n'est fabriqué en Europe -, chaque pays se spécialise dans certains produits et services mais il y a une concurrence entre pays qui fabrique les mêmes produits ou les mêmes composants de produits.
Les fruits et légumes d'Espagne sont exportés dans d'autres pays d'Europe, et certains de ces pays produisent parfois le même type de fruits ou de légumes mais à un prix supérieur. Ici comme pour beaucoup d'autres produits, la cause principale n'est pas la différence d'ensoleillement, c'est le coût de la main-d'oeuvre.
C'est pour cette raison que les vêtements, les smartphones etc. sont fabriqués dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre.
Alors, est-ce que réformer, c'est baisser le salaire horaire ?
Non, pas forcément. Par contre, rendre le marché du travail plus fluide, en facilitant l'embauche et le licenciement, cela aide les entreprises à faire face à des fluectuations de commande, à la hausse (embauche) comme à la baisse (licenciement).
Ouvrir un marché à la concurrence, c'est aussi une réforme utile.
Si vous autorisez les transports interurbains en autocar, vous allez booster un mode de transport économique et des gens qui jusque là voyageaient rarement (parce que le train est cher) vont pouvoir voyager.
Et pourquoi donc les transports interurbains en autocar étaient pratiquement inexistant (sauf à l'international) : pour ne pas faire de concurrence à la compagnie nationale ferroviaire, qui avait* le monopole du transport par rail. (*Imparfait, parce que l'Union européenne a imposé la fin - progressive - des monopoles de transport ferroviaire).
Voilà une réforme qui ne coûte pas grand-chose (en première approche) à l'État et qui peut créer de la valeur. En seconde approche, la compagnie nationale ferroviaire peut se retrouver avec un déficit accru, ce qui amène l'État à lui fournir une aide financière.
Mais bon, mettre les différents types de transport en concurrence, c'est a priori une bonne politique : chaque acteur doit être compétitif - en matière de prix et en matière de gestion de son entreprise.
Quand une entreprise est en situation de monopole public (c'est-à-dire organisé légalement), ses agents peuvent faire grève à tout moment en bloquant la vie économique du pays et peuvent donc, grâce au monopole légalisé, obtenir des avantages élevés.
La régulation de la concurrence a pour but de mettre dans les mêmes conditions tous les acteurs d'un même secteur.
Exemples à creuser : les transports, l'énergie, les taxis, les notaires, ...
Reprenons le fil principal : après avoir présenté le contexte, réfléchissons maintent à ce qui va se passer si un pays sort de la zone Euro.
Action envisagée et prônée par certains politiciens populistes (aux deux extrêmes de l'horizon politique) : sortir leur pays de la zone euro, et taxer les produits étrangers pour favoriser les produits nationaux.
Dans un pareil scénario, quelles seraient les conséquances prévisibles d'une sortie de la zone Euro et d'un retour à une monnaie nationale ?
(1) La plus grande partie de la dette du pays concerné est libellée en euros.
Sortir de la zone euro n'y change rien dans l'immédiat.
Au bout de deux ou trois décennies, oui, la situation aura évolué.
Malheureusement, des catastrophes seront survenues avant, comme nous allons le voir.
(2) La sortie de la zone Euro va immédiatement entraîner une grande défiance des investisseurs vis à vis de la dette du pays concerné.
Très vite, lors du retour à une monnaie nationale et dans les mois qui suivront, cette monnaie se retrouvera sous pression et la Banque centrale du pays concerné n'aura d'autre choix que de dévaluer sa monnaie.
Cette dévaluation forcée aura de multiples impacts :
- La dette - pour une grande part libellée en euros - va exploser mécaniquement, du fait de la dévaluation de la monnaie nationale !
- Un appauvrissement des citoyens de ce pays, parce que leur patrimoine financier sera essentiellement en monnaie nationale. Les biens immobiliers de ce pays seront plus facilement acquis par des étrangers qui verront le prix de ces biens baisser dans leur monnaie à eux. - une inflation importée. Parce que les vêtements, les smartphones et ordinateurs fabriqués dans les pays à faible coût de main-d'oeuvre coûteront plus cher, du fait de la dévaluation.
Le pétrole, matière première se négociant en dollars (USD) coûtera plus cher, du fait de la dévaluation. D'où renchérissement du carburant, des factures de chauffage et d'électricité, donc...
- Augmentation du coût de production pour les entreprises de biens et services implantées sur le sol national.
Dans le cas des entreprises exportatrices - les seules à bénéficier potentiellement d'une dévaluation -, le "bienfait" de la dévaluation sera donc diminué par l'augmentation des coûts de production.
Développement : en cas de dévaluation, l'inflation importée est un phénomène mécanique qui ne peut être combattu qu'à long terme.
En effet, penser qu'on va remplacer les produits importés par des produits fabriqué sur place est une totale illusion.
Vous n'allez pas créer en Europe des usines compétitives pour fabriquer des vêtements, des chaussures, des smartphones, des ordinateurs.
Vous allez continuer à les importer et du fait de la dévaluation de la monnaie nationale, votre pouvoir d'achat se réduira comme peau de chagrin. Mais pour l'État, le mécanisme est tout aussi impitoyable :
l'État devra rembourser une dette principalement libellée en euros dont le montant, exprimé en monnaie nationale, aura explosé.
Et comme le pays se sera appauvri (sauf les entreprises exportatrices), l'État récoltera moins d'impôt et ne parviendra pas à équilibrer son budget, sauf en sabrant les dépenses sociales.
Dans un pareil scénario (sortie de la zone euro), le plus vraisemblable serait que le pays fasse défaut sur sa dette à moyenne échéance (trois, quatre ou cinq ans).
Voulez-vous avoir une idée de ce que subit un pays qui fait défaut sur sa dette ?
Renseignez-vous sur le cas de l'Argentine qui a fait défaut en décembre 2001 et n'est toujours pas sortie de la grave crise économique et sociale où elle a plongé.
Certes l'Argentine - via Kirchner - a fini par conclure un avec la plupart de ses créanciers, mais pas tous...
Il reste les fonds "vautours" détenteurs de 7% de sa dette.
Ces fonds vautours ont acheté à bas prix la dette argentine et entendent bien se faire rembourser, avec l'aide de la justice américaine (États-Unis) qui a condamné l'État argentin à plusieurs reprises.
Quant à la situtation d'une grande partie de la population argentine, elle reste dramatique.
NOTE
Explications (simplifiées, le mécanisme réel est un peu complexe)
sur les effets de la politique monétaire d'assouplissement quantitatif.
Le 22 janvier 2015, la BCE a décidé de pratiquer une politique monétaire d'assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE).
Cette politique monétaire consiste en l'achat massif - par la BCE - de titres de dette du marché secondaire (c'est-à-dire des obligations déjà émises, tandis que le marché primaire est le marché des émissions de dettes).
Ce programme, prévu jusqu'en septembre 2016, a permis d'abaisser drastiquement les taux auxquels se financent les États de la zone euro sur le marché primaire.
Certes c'est sur le marché secondaire que la BCE achète des titres de dette.
Mais de façon générale, il y a une demande pour les titres de dette et notamment pour les obligations d'État : les États des pays développées font rarement défaut sur leur dette, et une obligation rapporte un certain coupon annuel, fixé - lors de son émission - en fonction de l'offre et de la demande.
Traditionnellement, ce sont les grands investisseurs (banques, assurances, fonds de pension, fonds communs de placement) qui achètent des titres de dette : voilà la demande traditionnelle.
Le coupon annuel d'une obligation est fixé, mais pas son cours.
Que se passe-t-il quand la BCE déboule sur le marché de la dette ?
L'achat massif de titres de dettes par la BCE, c'est un accroissement - massif - de la demande (sur le marché secondaire) : cet accroissement massif de la demande assèche le marché de la dette er donc fait monter les prix des obligations :
ce qui est rare est cher.
Or le taux des obligations varie en sens inverse de leur cours.
Donc la hausse du cours des obligations entraîne une baisse de leur taux (voir ci-dessous pourquoi***) et par contagion immédiate, entraîne une baisse des taux sur le marché primaire (le marché de l'émission de la dette) :
voilà comment les États de la zone Euro financent actuellement leur dette à des taux ridiculement bas par rapport à leur situation budgétaire réelle, notamment pour les pays en difficulté.
***Pourquoi le taux des obligations varie en sens inverse de leur cours ?
Nous allons prendre un exemple avec des chiffres très éloignés des chiffes actuels mais qui permettent de faire facilement du calcul mental.
Supposons que la Banque centrale rachète massivement des obligations d'État d'une maturité de 10 ans, d'une valeur initiale de 1000 € et d'un taux initial de 4%. Autrement dit, le coupon annuel est de 40 €, ce montant a été fixé lors de l'émission de cette obligation.
L'achat massif et régulier d'obligations par la Banque centrale fait monter le cours de cette obligation à 1250 €. Mais le coupon annuel est toujours de 50 €, donc dans ce contexte, le rendement passe à 50/1250 = 4%.
Ici c'est facile à vérifier, allons-y pas à pas :
1250 = 100 x 12,5 = 50 x 25 = 50 x (100/4)
Donc 1250/50 = 100/4 et donc 50/1250 = 4/100.
Il ne s'agit pas là d'une démonstration, mais d'un exemple pédagogique.
Ce que vous avez vérifié sur cet exemple (fictif), c'est un enchaînement mécanique :
quand le numérateur est constant (le montant du coupon) et que vous augmentez le dénominateur (le prix de l'obligation), vous baissez le rendement de l'obligation et donc vous baissez le taux auquel doit se financer l'émetteur de l'obligation, ici un État.
Résumé du mécanisme : le coupon annuel d'une obligation étant fixe, quand le cours de l'obligation augmente, le rendement de l'obligation diminue. Fin de la parenthèse sur l'assouplissement quantitatif de la BCE.
---
Mais en deçà du problème évoqué - la sortie de la zone euro d'un pays qui a beaucoup à y perdre - se pose une question fondamentale à propos de l'euro :
Dans sa forme actuelle, cette monnaie commune est-elle viable ?
Ce serait le sujet d'un autre article.
D'excellents économistes se sont d'ailleurs exprimés sur le sujet,
vous pouvez trouver leurs analyses dans la presse économique.
--- FIN ---